La Décroissance, décembre 2010

Le député européen José Bové vient de lever un gros lièvre en révélant (s’il continue comme ça, sa récente promotion politique pourrait s’avérer utile…) que la présidente de l’EFSA (Autorité européenne de sécurité alimentaire), Diana Banati, est aussi une responsable de l’ILSI , une multinationale d’informations animée et financée par les multinationales de l’industrie agro-alimentaire…On comprend mieux pourquoi l’EFSA s’est montrée favorable à toutes les plantes transgéniques qu’elle a « expertisées » ou pourquoi elle ne voit aucun risque pour les biberons enduits de bisphénol A . L’arrivée de Mme Banati est récente mais éclaire ce qu’on suspectait depuis longtemps quant à la collusion des experts de l’EFSA avec les lobbies de l’agro-industrie ou de l’industrie pharmaceutique. On apprend aussi que 6 des 13 des membres de la Commission européenne récemment renouvelés ont rejoint illico le secteur privé avec leur carnet d’adresses, le cas le plus scandaleux étant celui de Günter Verheugen qui vient de monter sa propre agence de conseils en lobbying ! Ceci s’ajoute aux révélations sur les pressions de l’industrie pharmaceutique pour que l’OMS (Organisation mondiale de la santé) avalise la dangerosité du virus A H1N1 afin d’ouvrir un fructueux marché pour des vaccins inutiles et peut-être dangereux… Evidemment, la France n’est pas indemne de cette gangrène au point que même L’expansion (septembre 2010) enquête, et fait mine de s’indigner que « certains lobbys font même tellement bien leur job que des propositions de loi se retrouvent défendues et signées dans les mêmes termes par différents groupes politiques ».

C’est pour contrer ces crimes contre la démocratie que s’est créé un réseau européen (Alter EU) de lutte contre les lobbies (qui comptent 20000 personnes actives à Bruxelles !) auquel se rattache un réseau français : ETAL (pour l’Encadrerment et la Transparence des Activités de Lobbying) regroupant une vingtaine d’associations. Grâce à quelques scandales et à cette récente opposition nos parlementaires ont décidé d’affronter le problème mais c’est en proposant des badges aux lobbyistes, lesquels sont invités à s’inscrire dans un registre…et à ne pas utiliser le papier officiel de l’Assemblée Nationale… Rien sur les conflits d’intérêts des élus ni sur d‘éventuelles sanctions… Sûr que ça va « moraliser » le lobbying !

Une des difficultés dans ce combat est que des ONG importantes veulent s’assumer comme lobbies, s’inscrivent sur les registres à côté de Monsanto, et avalisent l’idée que tout est bon pour gagner, sans faire de différence fondamental entre eux-mêmes et les puissances d’argent quant à la manière ou l’objectif. Ainsi un certain Vincent David, se proclame « consultant lobbying d’associations » et a entrepris d’initier les militants associatifs à cette activité . Il est un peu ridicule pour une ONG, fut-elle très puissante, d’imaginer qu’elle pourrait rivaliser avec les pouvoirs occultes, mondialisés et organisés, qui régissent aujourd’hui la vie de nos sociétés. Mais le plus grave est peut-être ce qu’un tel projet révèle d’abandon démocratique : là où le lobbyiste intervient masqué, sans mandat de la population et pour défendre des intérêts privés, le militant associatif devrait pratiquer le plaidoyer : agir dans la transparence (avec mandat clair, compte-rendu public,…) pour des choix qui ne prétendent qu’à l’intérêt général, lequel mérite une expertise indépendante. Cette confusion est un grand bonheur pour les lobbies !