La Décroissance, novembre 2010

Depuis 1992, la fécondation in vitro (FIV) est devenue efficace dans les stérilités masculines car, même quand le sperme est très déficient, on peut très souvent trouver un spermatozoïde à injecter directement dans l’ovule (technique d’ICSI). Ainsi la FIV, qui fut inventée pour pallier les stérilités féminines, concerne aujourd’hui des problèmes masculins dans 2 cas sur 3, d’où l’augmentation régulière du nombre des actes réalisés (environ 60000 par an en France). Mais il ne suffit pas de « répondre à la demande des patients », encore faut-il faire miroiter sans cesse des améliorations techniques afin de soutenir la motivation des couples en échec et surtout de capter ceux qui seraient tentés d’aller chez un concurrent (nous avons 100 Centres de FIV en activité)…Ainsi certains prétendent que l’ICSI serait plus performante si on choisit le « bon » spermatozoïde grâce à un super microscope (technique dite « IMSI ») capable de détecter des défauts (vacuoles) dans la tête des gamètes . Le coût de l’appareil (80000 euros) est amorti en 4OO tentatives facturées 2OO euros. Bien que les actes d’IMSI ne soient pas (pas encore) remboursés, la France est un terrain propice pour cette « innovation » puisque tous les autres actes biomédicaux y sont pris en charge (une FIV coûte 5000 dollars aux USA par exemple) si bien que le coût du « supplément IMSI » est acceptable pour presque tous les patients . On avait déjà vu la France en terrain d’expérimentation mondiale de l’AMP il y a 20 ans quand plusieurs multinationales pharmaceutiques lancèrent des molécules (gonadotropines recombinantes et agonistes du GnRH) à des prix exorbitants que notre sécu remboursait : elles s’imposèrent ensuite partout car permettant une programmation confortable des actes de FIV.

Depuis son invention en Israël et une décennie de proclamations victorieuses par quelques promoteurs en France, l’IMSI n’a pas réellement prouvé son avantage. Des biologistes japonais viennent même de démontrer que l’IMSI n’a aucun intérêt…sauf pour le marché des microscopes, la concurrence entre les équipes, et la « confiance en la médecine » des patients. On peut se demander pourquoi l’autorité régulatrice (Agence de la biomédecine) n’exige pas une démonstration de l’avantage, et aussi de l’innocuité, pour cette technique expérimentale qui, logiquement, va se répandre tant il est difficile pour une équipe de ne pas adopter une innovation utilisée par le voisin…et déjà réclamée par des patients anxieux. C’est un peu comme pour les plantes transgéniques : le nouveau peut se répandre pour la raison qu’il innove, sans avoir prouvé qu’il serait utile et inoffensif…Il suffit pour cela d’un lobbying des industriels, soutenu par quelques praticiens, et aussi que la technologie soit fondée sur des arguments logiques et séduisants : n’est-ce pas une superbe idée d’introduire dans la graine le gène capable de tuer les vilains parasites, ou de choisir le spermatozoïde en le grossissant 6600 fois …Dans tous ces cas, la séduction d’une technologie rêvée déborde la réalité de modestes savoirs… et de résultats avérés. Mais les marchés prospèrent !