La Décroissance, mars 2010.

On crée des OGM pour retrouver les propriétés naturelles des semences d’autrefois. Mais cette fois, ça rapporte !
Les plantes fabriquent naturellement des insecticides pour se protéger des parasites. Malheureusement, cette propriété a parfois été perdue dans le cours de la sélection industrielle. Les critères productivistes d’ « amélioration » de la plante étant seuls retenus, d’autres propriétés ont été délaissées. Par exemple, seules les variétés traditionnelles de maïs produisent une substance volatile quand elles sont atteintes par la chrysomèle. Cette substance émise par les racines attire des petits vers du sol, les nématodes, qui s’attaquent aux larves de chrysomèle. Or, ce coléoptère, fléau redoutable arrivé des Etats-Unis il y a une quinzaine d’années, fait d’énormes ravages outre-Atlantique. Il inquiète beaucoup les maïsiculteurs européens. Solution : des chercheurs de l’université de Neuchâtel, en Suisse, ont identifié la molécule produite par les maïs rustiques. Heureusement, il en reste ! Et ils ont découvert dans l’origan, une plante pas encore bricolée, un gène capable de produire cette substance. On imagine la suite. L’introduction de ce gène d’origan dans les plants de maïs dégénérés que diffusent les industriels permettrait d’obtenir un OGM pouvant lutter « naturellement » contre la chrysomèle… Les premiers résultats étant positifs, les chercheurs s’émerveillent de leur succès qui « concilie pour la première fois avec élégance biotechnologie et contrôle biologique des cultures ». L’exploit a été atteint dans le cadre du Pôle de recherche national « survie des plantes », ça ne s’invente pas ! Bien sûr, ils ont déposé un brevet car, comme on s’en doutait, cela « ouvre de belles perspectives ». Sans qu’il soit pourtant acquis que la restauration de ce caractère sauvage ne se fera pas au détriment des caractères qu’on avait imposés par la sélection en vue de la productivité sacrée…

Des plantes débiles

Pourquoi ne pas réparer plutôt les bêtises passées en recourant aux semences rustiques que conservent quelques paysans ? Pour les responsables (les coupables !), ce serait revenir en arrière, déjuger des décennies d’ « amélioration végétale » conduisant à ces plantes artificielles abreuvées d’engrais et de pesticides. Bref, un « retour à la bougie »… Un tel effort technologique pour réparer les dégâts de « progrès » antérieurs évoque d’autres inventions, en particulier celles qui permettent à la médecine de pallier les conséquences sanitaires des pollutions chimiques dans l’environnement (médicaments contre l’asthme ou les cancers, procréation assistée…). A chaque fois, les inventeurs osent annoncer « encore un nouveau progrès ! » alors que la technologie ne fait que viser la réparation des dégâts que le progrès a précédemment créés. On continuera à sélectionner des plantes débiles à haute productivité et à polluer les bêtes et les humains au détriment de leur santé et de leur fertilité. Parmi tous les progrès pour réparer et tous les progrès déjà abandonnés tels que l’amiante et le Concorde, en passant par les progrès agonisants tels que l’agriculture industrielle, les bagnoles et les aéroplanes, l’avenir devrait honorer comme elles le méritent deux inventions irréprochables : l’essoreuse manuelle pour la salade et le bavoir imperméable à poche de rebut pour les bébés ! C’est ce que j’écrivais il y a vingt-quatre ans dans L’Oeuf transparent, avant que la fin du pétrole ne menace l’industrie du plastique.