La Décroissance, juin 2009

La question du péril qui découlerait de l’expansion démographique revient dans l’actualité. Jusqu’à l’ami Yves Cochet qui propose de sanctionner financièrement la naissance d’un troisième enfant parce que celui-ci serait d’un coût écologique exorbitant (néanmoins le même que celui du premier ou du deuxième enfant…). J’ai défendu ici le recours à l’Assistance médicale à la procréation pour des couples stériles (Fallait-il inventer l’AMP, La Décroissance, avril 2009), en contradiction avec les arguments malthusiens même si l’AMP ne compte « que » pour 2% des naissances dans les pays industrialisés et que certains de ses bébés seraient nés de toute façon si les parents avaient été moins pressés… Mais des gens sérieux alarment les médias sur le thème de la faim à venir : « Quand je suis né, il y avait trois fois moins d’habitants qu’aujourd’hui sur la Terre !... » lance l’auteur d’un livre récent, laissant croire que le même triplement arrivera pour la génération suivante, ce qui est évidemment faux : les démographes s’accordent pour dire que la planète ne comptera jamais plus de 10 milliards d’humains, ceci pour des raisons qui tiennent surtout au progrès social (on fait moins de bébés quand on est allé à l’école). Comme pour le pétrole, on prévoit un pic des humains mais il atteindra à peine 50% de plus qu’aujourd’hui vers 2050 avant de refluer jusqu’à la fin des temps prévisibles. Puisque l’Organisation des Nations Unies pour l’agriculture (FAO) reconnaît que nous pourrions dés aujourd’hui nourrir une telle population, et même avec l’agriculture biologique, il faut ramener l’angoisse à ses dimensions véritables…On sait bien que les atteintes graves à la planète, comme l’étendue des famines, sont davantage liées au mode de vie (gaspillage, régime carné,…) et aux régulations politiques qu’à l’effectif des vivants. Il est alors étrange d’entendre le concert angoissé du malthusianisme réunir des objecteurs de croissance avec les inconditionnels du développement sans frein ! Comme si la décroissance procréative était la condition de l’expansion économique illimitée aussi bien que de la frugalité heureuse.

Plutôt que désigner les naissances de nouveaux humains comme un problème majeur pour la planète et pour notre espèce, ne devrait-on pas s’interroger sur les technologies qui, selon la médecine, permettront de vivre 130 ou même 150 ans ? Car la longévité ainsi accrue augmenterait, davantage que la procréation, le nombre d’individus à chaque génération… De plus les grands vieillards, en survie pendant des décennies, représenteraient un poids considérable pour la collectivité : gavés de pilules, de prothèses et de contrôles médicaux, incapables de participer à la convivialité comme peuvent le faire des grands parents traditionnels, ces mourants en sursis pénaliseraient fortement la mise en œuvre de l’épanouissement solidaire en imposant à tous une empreinte écologique et sociale insupportable. …Pas question de créer une « prime à la casse » des vieillards, comme pour les bagnoles, afin de pousser au renouvellement du « parc humain » …mais est-il prioritaire de chercher à prolonger les existences quasi végétatives, aux seuls bénéfices de la médecine de marché (créer des consommateurs de soins) et du pouvoir politique (faire voter la peur) ?