La Décroissance, décembre 2007 - janvier 2008

Pour que les décisions politiques soient conformes à l’intérêt du plus grand nombre, il faut au moins trois choses : que la population soit informée de façon complète et contradictoire, puis qu’elle produise son avis hors de toute pression, et enfin que les décideurs respectent cet avis en élaborant la loi. Ces principes élémentaires de démocratie n’existent pas avec les mécanismes usuels de régulation sociale : le sondage ou le référendum laissent trop de place à l’opinion construite par les beaux parleurs et des lustres de conditionnement ; l’élection , en sus des mêmes défauts, délègue à l’élu un mandat tellement global qu’il autorise des contradictions avec l’électeur (voir les positions pro-OGM du candidat Sarkozy, à l’opposé de l’opinion majoritaire de ceux qui l’ont élu) ; le « débat participatif » néglige une formation préalable et ne comporte aucune obligation des élus d’agir dans le sens voulu par les citoyens . Après avoir usé de tous ces leurres, le gouvernement a lancé le « Grenelle de l’environnement » selon le principe naïf, ou pervers, qu’il suffit de se mettre autour d’une table pour résoudre les conflits d’intérêts. Comme si un paysan bio voyait le monde avec les mêmes lunettes qu’un technocrate de l’INRA ou que le représentant actif d’une multinationale de l’agro-industrie !

C’est pourquoi il était indispensable de définir un protocole irréprochable permettant enfin de savoir , en particulier lors des controverses technologiques, ce que souhaitent les gens quand on arrête de les prendre pour des cons. La Fondation sciences citoyennes (FSC) a défini une telle procédure qu’elle nomme « Convention de citoyens ». Dans ce protocole la formation des citoyens atteint le maximum d’objectivité parce qu’elle est conçue par des acteurs d’opinions divergentes mais qui s’accordent pour définir un programme. Il importe que le panel s’empare de ces informations, en discute jusqu’à ce que les divergences résiduelles ne relèvent que de la précieuse différence culturelle entre les gens (car le « consensus » est souvent un abus procédural) et non d’intérêts particuliers. Cet exercice n’est cependant possible qu’avec un échantillon de la population, qu’il importe alors de tirer au sort en s’assurant de sa variété comme de son indépendance matérielle et intellectuelle par rapport à l’objet de la controverse. Pourvu qu’ils le veuillent, « les gens » peuvent tous devenir savants, et ils conservent alors des avantages déterminants sur les experts : penser sans jamais oublier la complexité des choses et la fragilité des êtres, vouloir que la vie soit douce pour tous les habitants de la planète et savoir que nos descendants n’auront pas d’autre issue que la « Terre-Patrie ».

Cette procédure est un moyen privilégié pour résoudre les controverses mais sa crédibilité , laquelle conditionne sa prise en compte par les élus, n’arrivera qu’avec le cadrage un brin tatillon des mécanismes et de son déroulement. C’est pourquoi nos travaux s’achèvent avec une proposition de loi *. Le Parlement se saisira t-il de cette opportunité pour agir dans le sens voulu par les gens quand ils ne sont plus des gogos ?

* Voir sur le site de la FSC : http://sciencescitoyennes.org