La Décroissance, novembre 2007

Après avoir été le premier pays a créer des embryons humains « pour la recherche » (1990), la Grande-Bretagne est devenue, en septembre 2007, le premier pays à autoriser la création de chimères embryonnaires, par incorporation d’un noyau humain dans un ovule animal. Depuis toujours, la fécondation permettait d’obtenir des hybrides (ex : mulet, tigron,…) et les chimères animales créées depuis 1960 passaient par la fusion d’embryons (ex : mouton /chèvre= « mouchèvre »). Donc, il y a nouveauté… et incertitude sur la viabilité des cellules chimériques ou sur l’identité de l’individu ainsi créé, d’autant que pour la première fois l’espèce humaine est impliquée. Pas grave ! diraient les responsables britanniques puisque les embryons seront détruits avant 14 j … Mais leurs cellules souches seront conservées et utilisées pendant des décennies puisque le projet relève du clonage thérapeutique supposé fournir des greffons à transplanter chez le donneur du noyau incorporé dans la chimère.

La base théorique de ce projet repose sur l’idée que l’ADN du noyau est l’élément-roi de l’identité biologique. Pourtant une étude de généticiens incontestés (Encode, 2007), se concluant par la question « Qu’est-ce qu’un gène ?… », vient de confirmer ce que savaient depuis toujours ceux qui n’ont pas sombré dans la mythologie des gènes : la complexité infinie des régulations du génome et sa dépendance de facteurs environnementaux. Le projet fait comme si un noyau humain introduit dans un ovule de vache ou de lapine permettait de construire une cellule humaine, alors qu’on sait bien (voir les imprévus des OGM*) que le génome « travaille » en fonction de son environnement cellulaire. Il y a bien des questions qui devraient être résolues avant ces expériences : 1) D’abord, par la recherche animale, savoir comment fonctionne le génome d’une cellule chimérique, et si ces cellules souches chimériques sont tolérées ou rejetées par l’organisme greffé ; 2) L’argument fort du projet étant la pénurie d’ovules humains nécessaires au clonage on devrait s’assurer que des cellules souches non embryonnaires (issues du cordon ombilical ou des organes adultes) n’ont pas les propriétés qu’on prête aux cellules de l’embryon , ce qui permettrait de s’affranchir du clonage, lui-même source de bien des incertitudes ; 3) Enfin, si on démontrait la supériorité des cellules embryonnaires,on pourrait construire, sur des bases éthiques incontestables, des « banques cellulaires » à partir des millions d’embryons surnuméraires abandonnés après fécondation in vitro, mais conservés congelés, source infinie de cellules souches compatibles avec tous les patients à greffer.

Alors, pourquoi cet empressement dans une voie très hasardeuse ? Peut-être à cause de cette mystique génétique dans laquelle semble aussi sombrer l’Eglise catholique quand elle condamne ici une « atteinte à la dignité humaine » , ce qui revient à doter abusivement l’ADN de l’identité humaine ? Peut-être aussi par la fonction croissante du sensationnel et des fantasmes de maîtrise dans la technoscience ?

  • Le vélo, le mur et le citoyen, Belin, 2006