Le Moniteur Hospitalier 168, 2004

La parthénogenèse est un mode de reproduction sans intervention masculine,quand les ovules sont capables de se développer (en femelles) en l’absence de fécondation.Ce processus est fréquent chez les insectes (par exemple le puceron). Parmi les vertébrés, il semble n’exister que deux espèces capables de se perpétuer malgré l’absence de mâle: le lézard à queue en fouet et une petite dinde blanche d’élevage, ces deux animaux singuliers vivant aux Etats-Unis. Dans le travail récent, et très médiatisé, d’un groupe nippo coréen (Kono et coll, Nature, 428, 22 Avril 2004), chez la souris, il est abusif de parler de parthénogenèse puisqu’un second ovule est venu jouer le rôle usuel du spermatozoïde. Il s’agit donc plutôt de « gynogenèse », ce qui ne retire rien à l’intérêt scientifique de cette publication dont l’originalité est d’avoir dépassé l’interdit biologique de la fécondation homosexuelle. On sait, en effet, que la conception nécessite la rencontre de deux génomes issus d’individus de sexes différents. Ainsi la manipulation des pronoyaux a été tentée au moment de la fécondation : on a substitué un deuxième pronucleus mâle au pronucleus femelle, ou l’inverse, afin de créer des embryons héritant de deux génomes du même sexe : il s’avère alors impossible d’obtenir un développement normal. Depuis 20 ans on explique ce phénomène par « l’empreinte génomique». Il s’agit d’un « marquage » réversible de certains gènes (quelques dizaines) qui survient pendant la gamétogenèse, de telle façon que ces gènes soient activés dans un sexe et inhibés dans l’autre. Le développement embryonnaire ne paraît donc possible que si ce marquage épigénétique, lequel dépend souvent de la méthylation de l’ADN, diffère entre les gènes hérités de la mère et ceux hérités du père, comme il arrive naturellement. C’est pourquoi les auteurs ont tenté de modifier l’empreinte habituelle d’un génome femelle en lui imposant une empreinte de type mâle, avant de faire fusionner l’ovule ainsi « masculinisé » avec un ovule normal. Résultat : un souriceau pour plus de 500 essais, soit moins que le succès du clonage, mais un souriceau quand même ….

Ce remarquable travail scientifique montre deux choses :

1/ Il confirme l’impossibilité de procréation entre deux individus du même sexe. C’est seulement parce qu’un des ovules avait été doté de caractéristiques mâles que le développement a pu être (très rarement) obtenu. Or, cet artifice (empreinte génomique mâle pour la femelle) a nécessité une technologie sophistiquée dont la transgenèse, au stade embryonnaire, chez une des souris à l’origine des ovules afin de doter ses gamètes d’une empreinte de type mâle. Outre les difficultés techniques et éthiques (et la très faible efficacité de la manœuvre)il ne saurait être question de réaliser cela chez une femme homosexuelle souhaitant procréer avec sa compagne : il eut fallu qu’elle prévoit sa demande au moment même de sa propre conception …

2/ La modification, par transgenèse, d’un gène d’empreinte (H 19) a induit la « masculinisation » de la majorité des autres gènes d’empreinte connus. C’est une nouvelle démonstration des effets imprévisibles de la modification du génome : on ne maîtrise pas les conséquences de la transgenèse d’un organisme complexe. Comme l’avait montré la seule thérapie génique (relativement) réussie chez les enfants immunodéficients de l’hôpital Necker (2 leucémies ainsi provoquées pour 9 enfants « guéris »). Et comme il pourrait arriver avec les plantes ou animaux transgéniques, susceptibles de révéler des propriétés imprévues, au delà de celle souhaitée et qu’on aurait réussi à obtenir.