Le Moniteur hospitalier 159, 2003

Rien depuis 6 mois du côté des grands communicants : Raël et ses extra-terrestres se seraient repliés dans leur navette, et Antinori, le gynécamelot n'émet plus. Mais le débat continu, surtout en France où les lois de "bioéthique" qui devaient être révisées en 1999 ont déjà 4 ans de retard. La question litigieuse n'est pas celle du clonage reproductif même si quelques médecins commencent à afficher leur intérêt. Parmi ses plus fervents opposants, il y a les adeptes de l'autre clonage, dit "thérapeutique", comme si leur ardeur à condamner le fruit du reproductif valait caution pour absoudre la fleur du thérapeutique … De l'un à l'autre, de l'embryon cloné à l'enfant cloné, il n'y a pourtant que le ventre d'une femme porteuse.



C'est seulement chez les rongeurs que de rares essais de clonage thérapeutique ont été réalisés, mais on peine à démontrer la guérison définitive d'animaux malades après greffe de cellules souches ayant le même génome nucléaire. De plus, les promoteurs du clonage thérapeutique font souvent l'impasse sur une étape prévisible de ces traitements : s'agissant de pathologies impliquant un facteur génétique (et toutes les pathologies sont progressivement ainsi définies…) il sera nécessaire de pratiquer la transgenèse afin de restaurer la normalité de ces cellules souches avant leur transfert chez l'hôte. Or, de tels essais, hors clonage, de correction génétique des cellules souches de la moelle osseuse avant auto-transfert chez des enfants souffrant d'un grave déficit immunitaire ont été réalisés. Nul ne conteste le bien-fondé de ces tentatives pour arracher des bébés à la bulle qui les emprisonne mais les graves conséquences observées chez certains enfants révèlent que l'insertion d'un gène "normal" ne restaure pas toujours la normalité puisqu'au moins un enfant en est décédé. Il est ainsi montré que la vie n'est pas un Meccano génétique, et d'autres faits démontrent que le génome n'est pas la seule source de l'identité : dans l'un des très rares essais pour évaluer chez la souris la faisabilité du clonage thérapeutique, associé à la correction génétique de l'embryon cloné, l'équipe de R. Jaenisch (USA) a été surprise d'observer le rejet des greffes malgré la similitude génétique du greffon et de l'hôte (Cell, 109, 2002). S'étonnera t-on que cette difficulté imprévue, publiée depuis plus d'un an (mais il est vrai en quelques lignes noyées au sein de l'article), ne soit jamais évoquée par les demandeurs du clonage thérapeutique ?



Mais il faut aussi rappeler que d'autres pistes existent pour obtenir des tissus immunocompatibles sans passer par le clonage. Outre le recours aux cellules souches pluripotentes présentes chez l'adulte (toute pathologie génétique exigerait alors que ces cellules soient corrigées) il est possible de constituer des lignées cellulaires totipotentes à partir des très nombreux embryons humains déjà conçus par FIV et dont la conservation se poursuit sans que le projet parental soit maintenu. Ces embryons, dits "surnuméraires", sont bien plus nombreux que les 10 à 50 mille lignées de cellules souches humaines qu'il faudrait établir pour disposer d'une banque où tout patient trouverait des tissus compatibles.
Ces quelques remarques soulignent que l'exigence, aujourd'hui, du clonage thérapeutique humain anticipe les connaissances (recherches chez l'animal, y compris les primates) et prend d'abondantes libertés avec la logique stratégique en minorant des solutions éthiquement mieux appropriées.