Notre appel, intégré à la campagne d’alter EU, cible le lobbyisme sévissant dans les parlements, c’est à dire directement vers les élus nationaux ou européens. Mais il faut voir le lobbyisme comme un cancer généralisé contre la démocratie, avec bien des actions (peut-être les plus nombreuses et les plus déterminantes) s’exerçant à d’autres niveaux de la décision. Par exemple dans les administrations où se préparent les rapports, dans les agences où s’élaborent les expertises, dans les cabinets ministériels où se rédigent les projets de lois et de décrets…, dans tous les lieux qui concourent aux choix économiques. Concernant la recherche scientifique et l’innovation il est difficile de comprendre pourquoi et comment surgit telle priorité de recherche, laquelle se retrouve « fléchée » dans tous les pays au même moment, comme par l’effet d’une main invisible et multinationale…C’est le cas de la génétique moléculaire qui depuis plus de 20 ans a envahi aussi bien l’univers conceptuel de la biologie que l’univers mercantile de ses applications. Ainsi la recherche en biologie, médecine, agronomie,…s’est réclamée de ce paradigme obligatoire, si bien que les autres domaines potentiels de recherche se sont trouvés paupérisés. Quel lobby aurait pu pousser des recherches par exemple pour l’agriculture biologique ou pour comprendre l’origine environnementale de nombreux cancers ? Alors la recherche en variétés végétales se confond avec les plantes transgéniques et celle sur le cancer se polarise sur les origines génétiques des cancers ! Les actions des lobbies se font moins discrètes dans les moments d’urgence, comme quand certains ont cherché à imposer les plantes transgéniques (PGM) malgré l’opposition d’une majorité de citoyens, lors des débats parlementaires de 2008. Alors, des députés et sénateurs de la majorité comme de l’opposition ont dénoncé explicitement les pressions des industriels . Comment ces lobbies se sont-ils manifesté ? Par de luxueuses brochures , éditées spécialement pour les parlementaires par les semenciers afin de vanter les avantages et l’inéluctabilité des PGM. Par une lettre périodique émanant d’une officine de conseil en environnement et en économie, laquelle s’avère défendre à la fois les PGM et l’industrie nucléaire…Par des actions soutenues d’une association de « défense de la science »ayant les moyens d’intervenir partout (colloques, débats, médias,…) pour porter la bonne parole du progrès contre les « obscurantistes », jusqu’à s’indigner que la télévision française ose programmer le film « Le monde selon Monsanto ». Par un cabinet de lobbying capable d’organiser des rencontres fructueuses entre des parlementaires et des industriels dans un restaurant chic . etc… 2008 c’est aussi les suites lamentables du « Grenelle de l’environnement », avec un travail de sape des lobbies industriels pour revenir sur ce que les associations croyaient acquis puisqu’ apparemment approuvé à l’unanimité des parties prenantes (taxes sur les poids lourds, retour des incinérateurs, seuil énergétique des logements, calendrier d’arrêt des pesticides,…).

Clairement, le lobbying est une activité contraire à la morale comme à l’intérêt public. Il est une perversion de la démocratie et on ne pourra jamais en faire un élément de la vie démocratique, ne serait-ce que par son manque de transparence, son absence de mandat , son mépris du bien commun. Les actions de lobbying sont facilitées par des règles abusives du fonctionnement de la République : ainsi le cumul des mandats et son renouvellement permet aux lobbies de cibler certains élus pour valoriser leurs actions . Le secret appliqué aux données industrielles (exemple : non communication de tests inquiétant sur les OGM) ou militaires (exemple :« secret défense » qui interdit de faire connaître la fragilité des installations nucléaires) comme l’opacité des débats des groupes permanents d’experts servent aussi le travail de taupe du lobbying. A Bruxelles on estime que le lobbying est « un moyen de fournir au Parlement des connaissances et une expertise dans de nombreux secteurs économiques , sociaux, écologiques, scientifiques,… ». S’il est exact que les élus se trouvent souvent dépassés par la complexité des enjeux de la technoscience, ce problème ne saurait être résolu en donnant plus de place à la parole des porteurs d’intérêts directement en jeu . Qui évalue la pertinence et l’objectivité de ces « connaissances » et de cette « expertise » que délivrent ainsi les lobbies ? FSC propose des contre-feux comme une Haute autorité de l’expertise et de l’alerte afin de codifier et moraliser les apports des experts à tous les niveaux. « Tout ce que vous proposerez sera réalisé ! » avait promis le président Sarkozy aux associations engagées ans le Grenelle de l’environnement. Pourtant, cette proposition largement soutenue dans les discussions du Grenelle, et reprise dans le rapport commandé à Corinne Lepage sur « la gouvernance environnementale », a disparu des projets de loi tandis que le très bon rapport Lepage est passé aux oubliettes. Il en est de même pour l’institutionnalisation d’expertises indépendantes réalisées sous l’égide des citoyens eux-mêmes dans des Conventions de citoyens (http://jacques.testart.free.fr) à partir d’éclairages contradictoires et hors de tout conflit d’intérêts. Mais que peut-on attendre quand, sur le thème des plantes transgéniques, le Parlement repose les mêmes questions en ignorant les conclusions de la Conférence de citoyens qu’il a lui même organisée il y a 10 ans ! Nos institutions semblent plus sensibles aux arguments de compétitivité économique qu’agitent les lobbies industriels qu’au souci , qui devrait être leur devoir, de respecter les intérêts de la population. C’est tout le système de régulation de la recherche et de l’innovation qu’il faut mettre en démocratie comme le propose la FSC (sciencescitoyennes.org ).