Acteurs de l'économie, juillet 2016

Il existe deux façons principales de penser l'avenir à moyen terme, elles se côtoient parfois chez les mêmes personnes, les mêmes partis ou think tanks alors que ces deux prédictions sont clairement incompatibles.

D'un côté, la croyance en des technologies capables de nous sauver de toutes nos impasses, de plus en plus puissantes et dotant les hommes de propriétés inédites : vivre beaucoup plus longtemps et en état de santé permanente, augmenter l'intelligence autant que la vitesse à la course à pieds, profiter d'un environnement artificialisé et protecteur où règneraient l'abondance ainsi que la satisfaction de tous les désirs. Cette voie, qui est plus ou moins consciemment indiquée par les actuels dirigeants du monde, est celle du transhumanisme. D'un autre côté, la certitude que les limites de la planète sont presque atteintes, d'où l'obligation d'en économiser les ressources, mais aussi la conviction que le développement compétitif n'est pas viable ni humainement désirable, et qu'il faut lui opposer la sobriété volontaire, le partage et la convivialité. Venues de groupes en marge du système sous le nom de décroissance économique, ces idées gagnent progressivement en crédibilité, jusqu'à contaminer partiellement les discours des tenants de l'idéologie dominante.

Dans ces conditions, il est difficile de jouer au futurologue. Assumons que la voie transhumaniste est fortement compromise, tant par des limitations extérieures (changements climatiques, maladies chroniques, pollutions généralisées,...) que par des contradictions intrinsèques ( promesses intenables, exclusions aggravées, effets indésirables des innovations, non maîtrise de la complexité du vivant,...). Est-ce à dire que la voie décroissante triomphera aisément ? Changer de paradigme existentiel n'est pas acquis, même si l'enjeu n'est pas de « revenir à la bougie » comme le prétendent les réactionnaires, qui sont aujourd'hui ceux qui défendent un progrès linéaire et sans fin. Combien parmi les contemporains sont disposés à partager leur voiture, leur jardin, leur ordinateur, combien sont prêts à refuser les mirages de la santé intégrale, des modes vestimentaires et robotiques, à réduire fortement leur consommation de viande, de transport motorisé pour diminuer les gaspillages, les pollutions, le réchauffement fatal de la planète ? Il appartient aux détenteurs de l'information d'ouvrir les esprits vers de nouveaux modes de vie plutôt que de pousser sans cesse à la consommation, de tourner en dérision les idées salvatrices et de préparer l'ubérisation des élans ultimes de convivialité.