Politis, 27 septembre 2012.

L’équipe dirigée par Gilles-Eric Seralini, a lancé le 18 septembre un énorme pétard scientifique dans la revue Food and Chemical Toxicology et la presse a largement répercuté le contenu et la portée de cette publication. En bref, des rats nourris pendant 2 ans avec du maïs transgénique (NK 603 de Monsanto, tolérant à l’herbicide Round-Up) présentent rapidement des désordres métaboliques (déjà montrés par la même équipe dans des études courtes), puis des tumeurs et la mort prématurée, non décelées dans les études classiques de 3 mois seulement.

Dés le lendemain les ministres de l’Agriculture, de la Santé et de l’Ecologie saisissent les instances d’évaluation françaises et européenne. Remarquons que l’instance d’autorisation européenne (EFSA) a été dénoncée récemment pour des conflits d’intérêts liant certains de ses membres à l’industrie et que, sous son influence, la Commission européenne discute actuellement de l’assouplissement des procédures d’évaluation des PGM, particulièrement en supprimant les études toxicologiques…

Les résultats de l’équipe de Caen avaient été soigneusement tenus secrets pour éviter que des pressions sur la revue entraînent l’annulation de la publication, une mésaventure arrivée à d’autres…Mais, dès la parution, et comme à chaque fois que l’industrie des plantes transgéniques (PGM) est menacée, des chercheurs du monde entier commentent sévèrement l’étude . Entre autre par le canal du Science Media Center de Londres, une officine financée par l’industrie biotechnologique et dont l’agence Reuters reprend illico les contenus (Bastamag, 21 septembre). Déjà les travaux publiés en 2007-2008 par l’équipe française avaient été critiqués, souvent par ces mêmes experts . Ils avançaient pêle-mêle : ces chercheurs ne sont pas neutres (seuls les partisans acharnés des PGM seraient neutres), la revue qui les publie est médiocre (cette fois l’argument n’est pas tenable), les travaux ont été financés par la grande distribution(seuls les marchands de PGM seraient habilités à aider les laboratoires) , il n’y a « pas de signification toxicologique des variations observées » (mais, en 2012, les rats meurent…), les rats témoins meurent aussi (oui, comme tout le monde… mais au moins un an après le premier rat nourri avec le maïs GM), les résultats différent selon le sexe des rats (logique quand la sphère hormonale est concernée) mais pas selon la dose du toxique (l’effet des faibles doses est désormais reconnu)…

Ces critiques sont impulsées ou relayées en France par des associations ad hoc (1), lesquelles sont à l’origine de fortes restrictions sur l’activité du laboratoire de G E Seralini.Pour ce dernier article, on s’inquiète aussi de la jeunesse de la plupart des coauteurs (seuls les vieux dominants seraient compétents), du faible nombre d’animaux par groupe (mais ça coûte déjà 3,2 millions d’euros…), du lieu de la recherche :« Est-ce l’université ou dans un laboratoire privé ? » demande le toxicologue Gérard Pascal, soulignant ainsi la carence des institutions pour réaliser de tels travaux . Marc Fellous, ancien président de la Commission du génie biomoléculaire et condamné en 2011 pour diffammation envers Seralini, est “surpris de ce show”, et assure, sans donner de référence, que des études similaires mais rassurantes existent. Pas téméraire il lâche “nos collègues Américains parlent de faux”… Finalement, Gérard Pascal explose : “il faut nommer une commission d’enquête …récupérer les cahiers de manip…”. Pourquoi pas? l’équipe en est d’accord, mais il n’y eut jamais d’exigence semblable pour les articles prétendant démontrer l’inocuité des PGM. La philosophie officielle est bien celle des multinationales: les PGM ne présentent aucun risque et la charge de la preuve incombe donc à ceux qui prétendent le contraire.

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Le succès de cette offensive tous azimuts est immédiat . Ainsi l’affirmation « Oui, les OGM sont des poisons ! » (Le nouvel Obs 19 février) laisse place, dés le lendemain, à « la supposée dangerosité des OGM » (France inter) ou au questionnement :« Une étude au dessus de tout soupçon ? » (Le Point).Tout travail scientifique est critiquable mais la stratégie du lobby pro PGM a pour but de créer le doute, comme il était arrivé pour nier les risques de l’amiante ou du tabac ce qui a permis la tolérance de ces poisons pendant des dizaines d’années. Combien de temps faudra t-il pour que les risques sanitaires et environnementaux des PGM soient reconnus ? Plusieurs années (et plusieurs millions d’euros) seront nécessaires pour valider les travaux de l’équipe Seralini, un délai suffisant pour aggraver la situation. La carence du dispositif sanitaire européen est criante, il est urgent de créer une Haute autorité de l’expertise et de l’alerte (2) afin de définir et faire respecter les règles de l’évaluation et de protéger les lanceurs d’alerte, tel G E Seralini. Mais puisque les PGM provoquent d’autres nuisances indiscutables (choix de société, modèle agricole, impact des brevets,…) pourquoi devrait-on attendre une démonstration imparable de leur nocivité sanitaire pour interdire la dissémination de plantes qui ne présentent aucun avantage pour les consommateurs ?



(1) Ainsi l’Association française pour l’information scientifique (AFIS) où on trouve M Fellous ou G Pascal, l’Association française pour les biotechnologies végétales (AFBV) où on retrouve les mêmes en compagnie d’experts en OGM comme Guy Sorman ou Claude Allègre…, et les sites internet qui leur sont liés: pseudosciences ou Imposteurs.
(2) HAEA, proposée par la FSC : FSC