La Décroissance, mai 2011.

En réponse au courrier de lecteurs indignés par ma chronique de février, relative à « la mémoire de l’eau », je précise ici quelques points. Une hypothèse explicative serait que les molécules sont capables d'échanger des informations sans contact physique, une molécule donnée disposant de son propre code transmis par un signal (type onde) qui modifierait la structure de l'eau et persisterait dans ce milieu après retrait de la molécule. Quand une lectrice résume l’homéopathie à des comprimés déshydratés elle confond Hahnemann (l’inventeur de l’homéopathie au 18° siècle) avec Boiron (son commercial contemporain) et néglige que les comprimés (qu’elle semble apprécier) sont imprégnés avec une solution hautement diluée avant lyophilisation qui laisse persister un peu d’eau (0,01% suffirait à transmettre l’effet…). Plusieurs équipes internationales cherchent à vérifier cette hypothèse. Ainsi un consortium de quatre laboratoires européens a montré la modulation de l'activité de certaines cellules (basophiles) par un médiateur chimique (histamine) hautement dilué (Belon et al, Inflamm Res 1999 et 2004).

On publie plus facilement sur la thérapie génique (aux succès rarissimes) que sur la mémoire de l’eau (aux résultats inconstants mais statistiquement significatifs). C'est l'absence d'explication irréfutable, et non l'absence d'effets constatés, qui justifie le rejet par les grands journaux scientifiques d'articles proposés par de nombreuses équipes. Par exemple Yolène Thomas, ex collaboratrice de J Benveniste et directrice de recherches au CNRS, s'est vue refuser longtemps ses travaux sur la transmission à des neutrophiles d'un signal moléculaire hautement dilué capable de moduler leur activité métabolique.Ces travaux furent finalement acceptés en 2000 (Med Hypotheses) parce que deux chercheurs incontestés (F Russo-Marie, directrice d'une unité INSERM et W Hsueh, directeur du Département de Pathologie à l'université de Chicago) confirmaient avoir obtenu indépendamment des résultats similaires.

Récemment, Luc Montagnier qui travaille avec d’ anciens collaborateurs de Jacques Benveniste, a publié deux articles scientifiques à propos de signaux électromagnétiques de basse fréquence émis par des bactéries ou des virus à très hautes dilutions dans l'eau (computational life science, 2009). Notre prix Nobel a créé en 2006 une société pour exploiter ces résultats (Nanectis) et est titulaire de plusieurs brevets.Des chercheurs californiens (univ La Jolla) disposent aussi de brevets sur de potentielles applications industrielles et médicales par enregistrement, amplification, stockage et transmission des signaux émis par diverses molécules. Ce groupe dispose d'un site internet où il expose ses hypothèses et résultats (http://www.nativis.com).

De nombreux facteurs peuvent expliquer que les expériences ne soient pas systématiquement répétables. Ainsi la pureté de l'eau utilisée, la forme et la composition du conteneur, la pureté des produits chimiques,les conditions atmosphériques,.. Jacques Benveniste avait montré que l'eau "informée" (modifiée par un signal moléculaire) perd cette propriété si elle est chauffée ou exposée à des champs magnétiques. C'est pourquoi les chercheurs tentent de réduire ces variables en recourant à la "biologie digitale" qui informatise les signaux.

Parmi ceux qui se sont indignés de ma chronique je relève l’argument que si ça marchait, on pourrait « vendre de l’eau au prix du médicament ». C’est exactement ce que vise le californien Nativis : « turning water into drugs » promet-il !