La Décroissance, septembre 2010.

Les ruchers et les testicules se vident… et ces deux phénomènes , qui présentent beaucoup d’analogies, ne sont pas seulement importants pour la pollinisation et la fécondation : il s’agit de marqueurs spectaculaires des catastrophes qui menacent l’homme et la planète. Les causes sont en partie les mêmes bien qu’on ne comprenne pas tout : surtout une débauche de pesticides devenue insupportable pour les êtres vivants. Mais on évalue mal les conséquences vraisemblables des mêmes atteintes sur d’autres cibles. Quelles mesures précises sur les populations d’insectes moins utiles que l’abeille ou carrément « nuisibles »? Quels dégâts sur les cellules de l’ovaire humain, techniquement non mesurables (gamètes très rares et immobiles) ? Si le sort de l’humanité est lié à celui des abeilles ce n’est pas seulement une histoire de miel ou de fécondation.

Alors on trouve des parades, surtout en faisant exécuter par des spécialistes ce qui se faisait tout seul. Les Chinois commencent à répandre le pollen sur les fleurs avec des pinceaux…et presque partout les couples « stériles » peuvent recourir à la fécondation in vitro pourvu qu’on trouve au moins un spermatozoïde là où il devrait y en avoir des dizaines de millions ! Les ruches des villes s’en sortent mieux que celles des champs et il en est de même pour les bourses : le milieu citadin, malgré les pesticides domestiques, respecte relativement mieux les abeilles et les spermatozoïdes que les massives pollutions rurales.C’est aussi dans les villes que les oiseaux résistent le mieux alors que leurs populations ont diminué de 30% en vingt ans dans les campagnes. L’alarme sur la pollinisation, signalée par l’hécatombe des abeilles, a amené le Muséum d’histoire naturelle a solliciter des citoyens pour contribuer au recensement des insectes butineurs de toutes espèces. Et la déprime des spermogrammes a suscité quelques enquêtes révélant que la fertilité des animaux, surtout aquatiques (loutres, poissons,…), est aussi très atteinte.Mais personne n’a les moyens de connaître exactement les effets du « progrès » chimique (pesticides, engrais, additifs alimentaires, cosmétiques,…) sur l’ensemble du monde vivant.Alors, l’abeille et le spermatozoïde, sans conteste en crise grave, sont des marqueurs, des « biomètres »qui devraient nous enseigner la méfiance et la précaution contre le scientisme bravache. Car les ennemis de la vie ne sont pas seulement parmi les industriels, ils sont aussi ceux qui ne croient pas à la catastrophe.