La Décroissance, février 2009

On trouvera toujours une solution pour continuer comme avant (et pourquoi pas en plus grand !) malgré l’épuisement inéluctable des ressources fossiles et les pollutions qui asphyxient la planète. Car la science serait omnipuissante et sans limites. Elle seule , telle que la représente notre illustre Académie, peut affirmer pendant des dizaines d’années que l’amiante est une substance inoffensive, et plus récemment, que les plantes transgéniques ou les « nanoproduits » ne présentent que des avantages. Pour satisfaire les « obscurantistes » (majoritaires) on promet d’afficher la présence d’OGM sur nos aliments mais alors c’est un peu comme si la science- qui- sait- tout se débinait au profit du « débrouillez-vous ! »… afin d’éviter d’éventuelles futures inculpations. Comment justifier que la science universelle tienne deux discours tellement différents de part et d‘autre de la Manche , puisque la Royal Academy britannique met en garde contre les OGM ou les nanotechnologies, lesquels sont exonérés de tout risque par l’Académie des sciences française? Il arrive pourtant qu’une Commission d’experts mette les pieds dans le plat comme l’a fait la Haute Autorité sur les OGM récemment créée, et aussitôt dissoute. Mais devant les doutes émis par cette commission des élus se sont indignés, alors même qu’ils avalisent tous les discours et productions profitables à la « compétitivité ». Pour sa part, le président de la FAO a relativisé les conclusions de son propre groupe de travail montrant qu’on pourrait nourrir la planète avec l’agriculture biologique : « Peut-être mais avec beaucoup d’engrais ! » objecta t-il, aussi incrédule que le président de notre Assemblée nationale devant des experts soudain critiques … C’est une des mystifications du système que de n’adouber que les experts qui lui convienne mais aussi de mettre le consommateur dans l’embarras du choix. Les technologies de l’agro-alimentaire sont obsédées par la création de besoins nouveaux, au moment même où la sagesse voudrait qu’on restreigne les anciens. Ainsi on institue de nouvelles dépendances en multipliant et diversifiant l’offre. Vous pouvez lire en supermarché : « velouté, aromatisé, recette classique, recette crémeuse, saveur vanille, brassé nature, fruits pâtissiers, en quartiers, à la crème, au lait entier, au sucre de canne,… », et sur le rayon voisin : « ultra, invisible, intensia, maxiconfort, extrafine, confiance quotidienne, fresh, maxi, maxi super, maxinormal plus, large, light, voile, voile de jour, voile fraicheur, ultra mince,… ». Alors, si vous ne trouvez pas votre bonheur au rayon serviettes hygiéniques, mangez des yaourts !

Du côté des machines domestiques on trouve sans cesse de nouveaux gadgets électroniques que personne ne sait utiliser à plus de 10 % de leurs capacités car une des grandes supercheries de notre temps est de persuader chaque particulier de s’équiper comme un spécialiste. On fabrique des montres étanches jusqu’à moins 60 mètres : petit prix, grande consommation, bien utile pour savoir à quelle heure on s’est noyé. Mais le plus fort est qu’après avoir fait croire que le superflu est nécessaire, les marchands veulent nous persuader qu’un cadeau doit forcément coûter cher. C’est pourquoi , dans ce système absurde, la consommation n’a pas de fin, même quand on a déjà tout, et même en période de crise…