La Décroissance, décembre 2008 - janvier 2009

C’est au moment où les pires négationnistes reconnaissaient l’entrée du monde dans une crise écologique et énergétique sans précédent que se déroulait le « Grenelle de l’environnement ». La recherche scientifique y fut d’autant plus évoquée que la France est très en retard, aussi bien techniquement (recherches sur l’ environnement) que démocratiquement ( propositions non marchandes et rôle de la société civile). Ainsi furent avancées des pistes pour de nouveaux choix technologiques (« écologiser » la recherche, priorités sur l’agro-écologie, l’éco-construction, la santé environnementale, les énergies renouvelables,…) comme pour l’ouverture de la recherche au « tiers secteur » associatif pour faire participer les citoyens aux choix et à l’expertise, à la « gouvernance écologique », …. Les militants associatifs réalisèrent dans l’urgence un travail considérable, comme s’ils avaient cru qu’un changement significatif , une modération de l’appât du gain, pouvait dépendre de leur bonne volonté. Quand Sarkozy affirma : « Là où nous dépensons un euro pour la recherche nucléaire, nous dépenserons le même euro pour la recherche sur les technologies propres et sur la prévention des atteintes à l’environnement », personne ne pensa à rire… même s’il est difficile de dépenser 2 fois « le même euro » ! Il y eu aussi le très bon rapport commandé à Corinne Lepage qui propose de créer une Haute autorité de l’expertise, de protéger les lanceurs d‘alerte, de démocratiser la recherche et de s’attaquer sérieusement aux risques technologiques. Au panier le rapport !

Pour poursuivre le Grenelle, des dizaines de Comités opérationnels (COMOP) furent créés. Un seul de ceux-ci élimine le mouvement associatif, pourtant partenaire hyperactif dans les élaborations du Grenelle, et c’est justement le COMOP qui s’occupe de la recherche, en faisant la part belle aux industriels (8 sur 21 membres). Alors, plus question de « recherche verte » mais davantage de biotechnologies pour le « dynamisme économique » (et, sous couvert de « recherche », 45 millions supplémentaires pour l’industrie agro-alimentaire). L’ « adaptation aux changements climatiques » devient l’aide aux filières techno-industrielles (nucléaire, stockage de CO2, véhicules « propres », …) mais on promet aussi une « veille attentive » sur l’éolien…Le Crédit Impôt Recherche continuera d’être un cadeau aux industriels qui poussent vers n’importe quelle innovation, sans aucune exigence d’éco-conditionnalité.

Ainsi des subventions publiques pour le retraitement, la dépollution, l’isolation,… court-circuitent les réflexions du Grenelle sur l’évolution des modes de consommation et de déplacement, sur l’empreinte écologique. Pour le gouvernement la recherche est seulement un outil de compétition, vers plus de croissance pour satisfaire des intérêts marchands à court terme. Selon J L Borloo « Les programmes du Grenelle devraient engendrer 0,8 points de PIB supplémentaire par an »…

On peut comprendre que des militants naïfs soient tombés dans le piège d’un Grenelle œcuménique. Mais on comprendrait mal qu’ils n’en tirent pas de leçon. Par exemple qu’on ne sauvera pas la planète seulement en se donnant la main (« on est tous dans le même bateau ») mais en créant un rapport de force pour l’intérêt public contre les intérêts assassins !