La Décroissance, mars 2008

Contrôler c’est d’abord surveiller et identifier. Notre environnement est de plus en plus policier : vidéosurveillance, vigiles, espionnage par téléphone portable, étiquettes RFID,… S’y ajoute la nouvelle biométrie avec ses « tests ADN » initiés pour les délinquants sexuels mais aujourd’hui utilisés pour les voleurs de poules ou les faucheurs d’OGM, et imposés aux inculpés avant même leur condamnation. Ainsi nourrit-on le Fichier national automatisé des empreintes génétiques (FNAEG), enrichi des suspects pour cause d’origine (demandeurs d’asile, sans papiers) lesquels viennent d’hériter d’un fichier spécifique (Eloi). Tous ces contrôles débouchent sur des menaces pour la vie privée de chacun et sur des mesures de précaution à l’encontre des personnes fichées (interdictions de séjour ou d’exercice, récidive pénalisante,…).

L’obsession sécuritaire atteint les politiques sanitaires, certaines applicables à tous (ceinture de sécurité obligatoire mais qui ne protège que son porteur, interdiction de fumer jusqu’à l’hystérie, dépistage massifs de risques pathologiques,…) mais qui s’orientent vers des caractérisations individuelles. Sait-on qu’il existe une Unité de recherche médicale (à l’inserm) dédiée à la « vulnérabilité génétique des comportements addictifs » ? Tout un programme qui montre qu’on investit davantage dans l’inné (la génétique ) que dans l’acquis (sociologie, psychologie,…) pour tenter d’expliquer les « déviances ». Cette unité de recherche a lancé un programme pour étudier les comportements addictifs de lycéens soumis à des questions insidieuses sur leurs pratiques à risques et celles de leurs parents. Surtout, les réponses seront corrélées avec l’analyse des génomes pour rechercher des gènes impliqués dans la dépendance. Le but annoncé est la prévention mais le résultat sera plutôt des tentatives d’explications génétiques, et la perspective de nouveaux critères de fichage. C’est aussi pour « prévenir les comportements déviants » que se constitue le fichier « Base Elèves » (encore un !) détectant précocement les troubles et les performances de tous les enfants, fichier sans connexion génétique, … pour l’instant. Tous ces « progrès » dans la chasse aux gènes serviront à l’orientation scolaire, à la construction de niches pour « inadaptés », à la sélection professionnelle, à la surveillance des suspects ou au calcul des primes d’assurances. Comme il vaut mieux prévenir, en évitant la charge sociale imposée par des éléments indésirables, l’avenir est aux pratiques sélectives dont l’ « immigration choisie » (par qui ?) n’est que le hors d’œuvre. Idéal flico-sanitaire : une politique rationnelle d’évitement des naissances indésirables grâce au tri génétique des embryons. Cela viendra. Le consensus court de la société policée à l’eugénisme, c’est le prix de la croissance compétitive. Mais rien n’assure que cela cesserait avec la fin de la croissance… sauf par un sursaut citoyen, lequel ne devrait pas attendre car les contraintes économiques sont rarement propices à l’invention démocratique.