L'Humanité, 25 mars 2006.

Le même terme OGM recouvre des cibles très différentes auxquelles s’attachent des risques et des avantages qui ne sont pas comparables.

Les OGM cultivés en fermenteur. Il s’agit d’organismes unicellulaires modifiés pour synthétiser des substances, le plus souvent à usage médical (vaccins, hormones...). Ce système fonctionne (avantage démontré) et il est maîtrisé (risque toléré). C’est bien parce que, parmi les OGM commerciaux, ils sont les seuls « présentables » que la propagande pour les plantes transgéniques veut les confondre avec ceux-là...

Peut-on s’en passer ? La question posée n’est pas la même, puisqu’il n’y a pas d’opposition organisée à ces OGM. Mais on devrait s’interroger sur les énormes bénéfices (et les coûts pour la Sécu) qu’ils occasionnent...

Les organismes pluricellulaires génétiquement modifiés. Des plantes ou des animaux peuvent aussi subir, dès la fécondation, une modification du génome de toutes leurs cellules.

1. OGM outils pour la recherche. Ce sont des vers, des mouches, des poissons, des mammifères ou des plantes chez lesquels on explore la fonction des gènes. Ces OGM à usage scientifique sont confinés dans des animaleries spécialisées, soumises à une réglementation très stricte.

Peut-on s’en passer ? Comme les OGM unicellulaires cultivés en fermenteurs, ces OGM de recherche n’ont pas fait l’objet d’attaques ou de critiques de la part de la société (à l’exception des opposants à l’expérimentation animale).

2. Plantes génétiquement modifiées (PGM) pour l’alimentation. Elles sont en production dans les champs et posent alors des problèmes nombreux, ignorés avec les autres OGM : sécurité environnementale, biodiversité, santé, économie rurale... Des problèmes analogues se poseront avec les animaux génétiquement modifiés d’élevage (poissons, mammifères) dès qu’ils seront lâchés dans la nature.

Peut-on s’en passer ? Les PGM ne sont en aucune façon la solution aux famines, lesquelles relèvent d’une distribution inégale des produits agricoles, et non de leur insuffisante production. Au contraire, les « pays en développement » qui recourront aux PGM se priveront encore davantage de leurs ressources vivrières et aggraveront leur dépendance par rapport aux pays riches à qui ils achèteront (cher) des semences et fourniront de la nourriture (surtout pour nos animaux). De façon générale, le progrès agronomique n’a aucun besoin des PGM. Il passe par la préservation des semences paysannes et la sélection des variétés les mieux adaptées à chaque terroir, par la rotation des cultures, les associations variétales dans le même champ, le non-retournement des sols, etc.

3. Plantes médicaments. Les industriels promettent de nouveaux OGM pour améliorer notre santé et convaincre en apitoyant : riz enrichi en vitamine A (mais il faudrait en manger plusieurs kilos par jour !), bananes et tomates douées de vertus vaccinales (mais cette stratégie s’avère très aléatoire !), maïs fabriquant une enzyme capable de soulager les souffrances d’enfants atteints de mucoviscidose (on sait faire autrement !), mammifères modifiés pour pro- duire dans leur lait des substances utiles diverses (mais toujours inefficaces depuis vingt ans...).

Peut-on s’en passer ? Ces promesses relèvent largement de la propagande et les mêmes médicaments pourraient être produits en toute sécurité par des OGM unicellulaires cultivés en milieu clos (voir plus haut).

4. OGM d’usage industriel. Arbres modifiés pour améliorer la pâte à papier, chèvres produisant un textile remarquable (soie d’araignée) dans leur lait, plantes supposées compenser la fin du pétrole... Tous ces projets s’avèrent plus complexes et moins efficaces que prévu par leurs promoteurs. Pour s’en tenir au biocarburant d’origine agricole, il faudrait réserver à l’appétit de nos véhicules toutes les surfaces qui permettent de nous nourrir...

Peut-on s’en passer ? En fait, ces promesses, comme pour les plantes médicaments, ont surtout pour but d’essayer de vaincre la résistance soutenue de certaines populations aux PGM.

En conclusion, les PGM relèvent d’un énorme bluff. Les multinationales des biotechnologies veulent créer un marché captif de l’alimen- tation mondiale (semences géné- tiquement modifiées brevetées à renouveler chaque année, traitements phytosanitaires, modes de culture, commercialisation). Après dix ans et 100 mil- lions d’hectares cultivés, les PGM n’ont tou- jours aucun avantage pour les consommateurs ! Leur dissémination imposée relève du dé- chaînement technologique basé sur une certaine conception du monde et des rapports humains. Ce qui est inédit avec les PGM, c’est qu’on n’en a absolument pas besoin !

(1) www.infogm.org

Dernier ouvrage, le Vélo, le mur et le citoyen, à paraître le 18 avril aux Éditions Belin. 17 euros.

Par Jacques Testart, directeur de recherches à l’INSERM, président de l’association d’information inf’ OGM (1)

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