La Décroissance, juin 2017.



On ne peut pas douter que le gouvernement Macron poursuivra, avec une ferveur décuplé, l'oeuvre des gouvernements Hollande, dont le nouvel empereur est issu, pour livrer l'entreprise France aux appétits capitalistes. La nouvelle ministre des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn, est clairement en conflit d'intérêts, pas tant parce que son époux dirige l'inserm, un établissement public, que parce que le même Yves Lévy est aussi le patron de l'Aviesan, cette Alliance nationale pour la vie et la santé qui réunit depuis 2009 « les grands acteurs » du domaine , secteur public et industries de la santé, pour favoriser les partenariats public-privé. Voilà qui devrait renforcer, par exemple, le programme lancé en 2016 par la ministre sortante pour séquencer le génome des gens en bonne santé afin de prédire leurs maladies à venir sans être capable de les soigner. Tout cela pour 670 millions d'euros accordés à l'industrie génomique, pour commencer.

Le macronisme est aussi un libéralisme éthique puisque tout y est affaire de business d'une part et d'individualisme d'autre part. Aussi Agnès Buzyn portera le projet annoncé par un porte parole de La République en marche : ouvrir la PMA à toutes les femmes. La PMA (procréation médicalement assistée) c'est le sigle qui désignait depuis bientôt 40 ans diverses techniques proposées aux couples infertiles, principalement la fécondation in vitro, mais il a été confisqué par un lobby très actif pour qualifier l'insémination artificielle d'une femme non stérile qui refuse un rapport sexuel (lesbienne ou femme seule). C'est dire que cette « PMA », qui prétend résoudre une situation sociale non pathologique, ne gagnerait le label d'acte médical que parce que l'inoculation de sperme dans les voies génitales (ce que fait sans apprentissage le sexe masculin) nécessitait un savoir-faire acquis en 10 années d'études... En réalité, ce qui introduit le « médical » c'est que la chose est réalisée avec le sperme d'un donneur anonyme dont le choix, le stockage et la cession appartiennent exclusivement à la grande épicerie des éléments du corps humain, filiale de l'Ordre des médecins. Ce que les avocats de la « PMA » cachent ou ignorent, c'est que cette pratique viendra augmenter le nombre des enfants nés de géniteur inconnu dans le cadre de l'IAD (insémination artificielle avec donneur), déjà légalisée pour les couples souffrant d'infertilité masculine. Or, cet acte, forcément eugénique puisque le médecin est aussi le responsable de la sélection d'un père génétique, a déjà fait naître bien des enfants orphelins de racines biologiques qui vivent mal cette condition. Faut-il encore fermer les yeux sur l'implication de la société dans des actes pour lesquels les spécialistes ne sont pas nécessaires ? Et élargir, hors motif médical, la fabrique des enfants, laqelle produit déjà trois pour cent des naissances ?
Ce n'est pas faire un procès d'intention au nouveau pouvoir français que condamner ses choix prochains puisque la ligne politique annoncée est celle de la compétitivité économique, au mépris des travailleurs, et du libéralisme « sociétal » au bénéfice des lobbies les plus « modernes » et les plus actifs. Mais les exigences de certains peuvent contredire le bien commun. Pour y répondre il faut convoquer la démocratie en recherchant des solutions mondiales, avec des conventions de citoyens multinationales puisque la technoscience n'a pas de frontières et que le tourisme procréatif est déjà florissant.